Le Permalab d’Ostara : un jardin sans arrosage
Cultiver sans arroser en toute saison, c’est le défis que nous avons voulu relever !
Depuis 2017 au Permalab d’Ostara, nous produisons sans arrosage, sans pesticide et sans engrais. Ici, seules les plantations sous serre sont arrosées avec l’eau de pluie que nous récupérons. Cette pratique nous demande peu d’énergie et permet de réduire considérablement notre consommation d’eau, ce qui est pour nous essentiel d’expérimenter dans un contexte où cette ressource se raréfie. Après quatre années de culture, nous avons donc décidé de rédiger un article pour partager notre expérience.
Mais d’où est venue cette folle idée de “non arrosage” ? Tout d’abord, par réponse à une limite : le terrain n’ayant aucun point d’accès à l’eau courante, nous avons dû faire avec. Mais c’est aussi devenu une vraie conviction en apprenant que l’eau douce, qui coule en illimitée dans nos robinet, aller devenir une ressource très rare dans quelques années partout dans le monde.
Et ceci est déjà le cas dans de nombreuses parties du monde. Alors comment pourrons-nous répondre à nos besoins dans ces conditions ?
Nous avons donc voulu expérimenter une gestion de l’eau très économe et cyclique dans notre Permalab pour trouver des alternatives en milieu urbain à notre échelle. Mais attention “sans arrosage” ne veut pas dire “sans eau”. L’eau est présente partout, que ce soit dans le sol (nappes), dans l’air (humidité, rosée du matin) ou dans le ciel (pluie). Sinon comment pourrait fonctionner la forêt ou même comment les végétaux auraient pû survire et évoluer durant plus de 450 millions d’années où l’Humain ne faisait pas encore partie de la biodiversité terrestre ?
La gestion, la récolte et le stockage d’eau nous demande d’être patient, observateur et méthodique. Certaines conditions intrinsèques au lieu nous ont quand même aidé. Notre site expérimental étant situé à proximité de la Saône, des nappes alluviales sont présentes à quelques mètres de profondeur sous nos cultures. De plus, grâce aux bâtiments alentour, l’ombre qu’ils créaient devient aussi un atout car elle protège certaines de nos cultures des fortes chaleurs. Sur la partie très ensoleillée nous avons expérimenté tout d’abord de créer de l’ombre en se servant des arbres caducs déjà présents sur le lieu qui ne bloquent pas le soleil en hiver et créer un peu d’ombre en été. Nous avons aussi expérimenté l’installation de “tunnels à courges” constitués de grandes arches en bambou pour y faire pousser courges, potirons et autres cucurbitacées grimpantes.
Le sol d’origine étant très sableux et caillouteux nous avons aussi dû penser à la rétention d’eau dans l’aménagement de nos zones de cultures. Pour que nos sols soient riches et rétenteurs d’humidité, nous utilisons des méthodes de compostage lents et rapides. Pour un compostage lent, nos buttes, riches en matières organiques, sont faites à partir de matières carbonés (bûches, branches, feuilles mortes, etc.) qui forment une éponge de bois humide, et azotés (déchets de cuisines, tontes de gazon, etc.) propice à attirer la biodiversité . Ainsi, les racines de nos plantes captent l’humidité et les nutriments plus facilement. Afin de laisser cet écosystème vivre et se développer sereinement, nous ne bêchons pas nos sols et laissons tous les déchets végétaux sur place que se soient ceux de nos légumes, des collectes de compost du quartier ou de nos plantes sauvages (appelés communément “mauvaises herbes”). Nourrir le sol c’est comme donner à manger à des milliers… non, des millions… non, des milliards d’êtres vivants qui travaillent sans relâche à notre place !
Dans le même temps, nous protégeons aussi le sol avec du compost de surface ou avec des matériaux plus carbonés pour éviter l’évaporation de l’eau. De manière générale, nous paillons nos cultures potagères avec de la paille (30cm de hauteur en moyenne) depuis 4 ans, celle-ci étant plus pratique pour gérer nos plantes annuelles. Pour les plantes vivaces, nous paillons avec des galets, des copeaux de bois ou des coquilles de noix. Mais ces différents paillages dépendent de ce que nous trouvons dans notre environnement local (voisins, restaurants, commerçants, parcs, etc.).
Enfin nous pouvons planter nos végétaux sur des sols vivants, riches et bien humides. Notre premier allié est la pluie, nous guettons régulièrement la météo pour prévoir les plantations lors de semaines de pluie. Par manque de pluie, nous arrosons juste une seule fois le végétal planté avec de l’eau de pluie afin de délier ses racines et l’inciter à aller chercher l’humidité en profondeur et non en surface. Autre astuce : nous essayons de privilégier le semis direct en pleine terre lors des semaines de pluie pour que les végétaux soient plus résistants par la suite. Pour accélérer la production et pouvoir planter les végétaux directement dans la paille en mai, nous utilisons beaucoup la serre froide à partir de février. En effet, certaines graines ont du mal à pousser à travers 30cm de paillage alors il nous a semblé plus pratique au départ de faire pousser nos propres végétaux mais aussi d’en troquer afin qu’ils aient une taille assez conséquente lors des plantations. Mais nous revenons petit à petit dessus, ayant observé des végétaux (tomate, capucine, bourrache, roquette…) repoussant par eux même d’une année à l’autre même à travers 30 cm de paille et avec une croissance très forte, rattrapant tous les semis poussant dans la serre.
Mais alors vous devez vous demander, à quoi ressemblent nos végétaux par temps de canicule et quel est leur goût ? Petit rappel pour commencer : les végétaux ne produisent pas leurs fruits, fleurs et graines pour faire plaisir à l’Humain mais pour se reproduire. Ils ont donc tout intérêt à en produire pour leur survie même s’il est vrai que ceux dont nous nous nourrissons la plupart du temps sont des créations de l’Humain. Mais alors pourquoi aujourd’hui nous ne re-sélectionnerions pas ses variétés pour leur résilience et non pour leur esthétique ? Au Permalab, c’est notre conviction et nous faisons notre maximum pour récolter nos graines et les ressemer d’années en années pour essayer de créer des variétés super résistantes ! De manière générale, même avec de nouvelles graines, lorsque nos végétaux profitent des bonnes conditions d’ensoleillement ou d’ombre selon leur nature, presque tous nos légumes fruit/feuille/fleur poussent très bien et sont productifs sans notre intervention durant leur croissance. Lors de canicule, il est normal que certaines feuilles flétrissent en journée ( comme nous d’ailleurs 😉 ) mais dès que vient la nuit, nous retrouvons nos plantes en pleine forme ! Par contre, nous avons constaté que la croissance et/ou la qualité de nos radis, haricots et salades n’est pas la même selon la variété. Par exemple, la laitue “oreilles du diable” est la seule laitue que nous arrivons à faire pousser sans arrosage et qui a un réel intérêt gustatif.
Pour en savoir plus, n’hésitez pas à passer nous voir pour que vous puissiez observer par vous même nos différentes expérimentations et végétaux.
Si vous voulez le reproduire chez vous, n’oubliez pas que chaque terrain a ses caractéristiques propres et que chaque plante à ses besoins propres aussi qui n’iront peut être pas forcément avec les caractéristiques de votre écosystème.
Et enfin n’oubliez pas que ce n’est qu’en se plantant que l’on devient cultivé, alors n’ayez pas peur, main verte ou multicolore tout le monde peut y arriver !